Le projet de loi n°14/2025 relatif à l’accès à l’information (au sens documentaire du terme) que l’Assemblée nationale du Sénégal va examiner, dans les jours à venir, est une bonne nouvelle pour le citoyen sénégalais en général, les professionnels de l’information et les chercheurs en particulier. Il est, par ailleurs, l’aboutissement d’un plaidoyer vieillissant, amorcé à la fin des années 2000 par des organisations de la société civile et de presse.
Cette prochaine loi a un triple intérêt : (i) l’obligation faite à toute institution ou administration à caractère public de répondre aux demandes écrites d’un citoyen et même de toute personne légalement résidant au Sénégal, dans un délai de 15 jours maximum, (ii) la possibilité donnée au citoyen de déposer un recours devant une commission nationale, en cas de requête infructueuse et (iii) des sanctions administratives et pénales contre l’agent public qui refuserait de communiquer des informations classées « communicables » par la loi.
Inopportun de revenir les multiples vertus qu’on prête aux lois ATI (Access To Information). Une fois en vigueur, on saura. De toute façon, dans les 29 pays africains où de telles lois sont déjà en vigueur, elles n’ont pas servi à grand-chose, pour le moment. Le poids colonial y menotte encore les administrations publiques.
Des exceptions qui confirment la règle
L’article 2 du projet « galsen » ne fait aucun cadeau au citoyen. Il reprend tout ce qui était déjà considéré comme « non-communicables par le Code pénal, la loi sur les données à caractère personnel, etc. Mais là n’est pas le problème. C’était déjà interdit. Par contre, la 7e exclusion (le secret en matière industrielle et commerciale) et la 9e (Tout autre secret protégé par les lois ou règlements en vigueur) ne sont pas explicitées, rendant ainsi possible une libre interprétation et un probable conflit avec d’autres lois sectorielles et contrats d’intérêt public qui prévoient des clauses de confidentialité.
De plus, cet article énumère, sans détailler, « Les éléments d’information dont la divulgation peut nuire : 1° à la politique étrangère, 2° à la monnaie et au crédit, 3° à la sécurité publique ou des personnes. » Que donnera un contenu à ces concepts ?
Décentraliser le recours administratif
Vu de Dakar, il parait simple de déposer un recours administratif devant une Commission nationale dont la nouvelle loi annonce la création. Mais il serait plus efficace de permettre à un citoyen sénégalais, vivant à l’intérieur du pays, en cas de refus d’une administration déconcentrée ou d’une mairie de lui transmettre des informations auxquelles il a droit, de saisir d’abord de Sous-préfet ou le Préfet qui assure le contrôle de légalité. Cette autorité administrative pourra inviter le maire ou le service concerné, dans les meilleurs délais, à répondre au citoyen. Par ailleurs, il serait plus indiqué que la commission nationale prépare un formulaire standard de demande d’information (article 12) que tous les assujettis pourront adapter, au lieu de laisser à chaque institution le soin de concevoir son propre outil. C’est le cas dans plusieurs pays ouest-africains.
Composition de la commission très institutionnelle
Sur les 12 membres qui siégeront à la commission national d’accès à l’information, les institutions publiques désigneront les 08, dont les 07 ont un lien direct ou indirect avec l’Exécutif. Le décret qui portera sur le fonctionnement de ladite commission devra préciser comment ces représentants d’institutions devront se comporter, si jamais un recours concerne une d’entre elles.
Enfin, en 2019, l’Union Africaine, à travers la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, a produit une « Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique », après une évaluation de la loi-type proposée depuis 2012. Cette déclaration de principes recommande ces trois éléments au moins :
1). la primauté de la loi ATI sur les autres lois existantes qui prôneraient le secret ;
2). la divulgation maximale et proactive ;
3). la création et l’animation d’une plateforme numérique de mise à disposition des informations communicables. Ce que l’article 12 du projet de loi sénégalais indique, mais ne rend pas obligatoire. Quelles sont les collectivités territoriales, les institutions et sociétés à caractère public qui disposent de sites web régulièrement alimentés ?
Dans nombre de pays avancés, appliquant des lois ATI, il est constaté que plus il y a des publications proactives de la part des administrations publiques, moins il y a de requêtes émanant des citoyens.
Birame FAYE, journaliste







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